L'énigme du Trou Renard
L’énigme du Trou Renard:
A partir d’octobre 1797, les prêtres durent prêter serment de fidélité à la République Française.
Le curé de MERY ayant refusé, se travestit en valet à la ferme de HAYEN.
Recherché par les Français, il se terra dans les bois de MERY et échappa ainsi à toutes les recherches.
Mieux, ayant trouvé auprès d’Isabelle, la fille du fermier, un peu de compréhension et de douceur, il défroqua avec tendresse pour convoler bientôt en noces impies.
La tourmente passée, il vint s’installer à la ferme de HAYEN reprenant ainsi le flambeau de l’agriculture.
La ferme de HAYEN, signalée ici, est située en plein centre du hameau à quelques dizaines de mètres de la route conduisant à MERY. Une cour fermée sert d’enceinte. On distingue à gauche de l’entrée une potale d’inspiration récente.
A propos de cette ferme, il semble bien qu’à partir de ce moment, tout alla de travers. Revers après revers, les habitants de la ferme furent exposés aux phénomènes les plus effrayants – la vengeance de Dieu les poursuivait.
Dans les étables, les bêtes crevaient et la mortalité du bétail était si grande que le fermier devait enterrer les charognes dans une fosse commune. De honte et de colère, il n’osait rien dire, mais un soir… désespéré, il appela de ses vœux, le diable à son aide.
Celui-ci se présenta subitement à lui promettant la fin de ses soucis, la prospérité de la ferme pour 25 ans au moins, après quoi l’âme du fermier reviendrait à Satan.
Pensez donc… l’âme d’un curé défroqué !
A son réveil, le lendemain, la ferme était effectivement transformée – l’habitation était plus confortable, la cour bien nettoyée et les étables gonflées de bétail en excellente santé.
Pouvait-il refuser devant une telle félicité ?
L’affaire prospéra ainsi pendant un quart de siècle, les cinq enfants qui avaient agrandi le foyer étaient mariés et bien nantis – On avait eu des années « grasses ».
Mais l’échéance arrivait… et, déjà, notre fermier redoutait le jour où il serait livré au feu éternel.
Défroqué, il ne pouvait s’adresser à l’Eglise et les personnes auprès de qui il s’était confié, n’avaient pu que plaindre son avenir sans pouvoir l’améliorer, soit le rectifier.
Il avait bien pensé s’exiler, s’enfermer anonymement dans quelque monastère voisin sans être pourtant convaincu que le diable n’y avait pas aussi ses entrées.
Un jour qu’il se promenait à Trixhe Nollet, il rencontra Marie, une bonne petite vieille qui préparait une charge de bois mort.
Echangeant quelque compliment avec elle, sur le temps qu’il fait et le temps qui passe, il parvint à proposer son aide pour emporter ce bois qu’elle entassait allègrement.
« C’est nin nécessaire » lui répondit Marie « c’est l’ovrège d’å sotè ».
Il faut dire qu’en cette époque couraient à l’aventure de bons esprits domestiques que l’on retrouve partout en Europe. Selon des appellations différentes mais qui se rejoignent généralement dans le bienfait qu’ils étaient censés apporter à la misère de l’homme.
On les appelait lutins ou nutons. Les elfes étaient leurs compagnes… d’autres parleront de nains… de sottais.
C’était de petits bonshommes qui travaillaient sous terre le jour et profitaient de la nuit pour aider le terrestre.
Nous savons peu de leur apparence extérieure bien que dans beaucoup de légendes on dise qu’ils étaient petits, vieux et ridés.
Cet aspect sénile est naturellement en rapport avec le fait qu’ils ne meurent pas, avec l’immortalité des esprits des défunts.
Les nains vivent sous le sol, dans des trous de grottes et de montagnes.
Ainsi, à DOLEMBREUX, il existe un ruisseau dénommé « ri di roty » situé à l’est de HAYEN qui disparaît soudain au lieu-dit « tro dè rnå » dans un chantoir, pour réapparaître dit-on, après une lieue de cours souterrain au lieu-dit « Chapelle Ste Anne » à TILFF.
L’histoire ne peut avec certitude déterminer à quelle période ce chantoir fut habité par les sottais mais la bonhomie populaire souligne que ce fut pendant longtemps. Et c’est bien ainsi.
Nous ajouterons encore que ces nains parlaient une langue étrange, qu’ils disposaient de moultes pouvoirs comme par exemple, se rendre invisibles, faire de la magie, transformer son être. Ils étaient habiles à tailler le roc, buriner la pierre, façonner le fer, débiter le bois.
Les récits sur les lutins sont influencés par les légendes relatives aux géants, aux démons.
On leur prêtait, en effet, une force surhumaine mais aussi des talents artistiques et culinaires que bien des ménagères envieraient de nos jours. Ils avaient une façon suave de vous préparer l’omelette ou le matoufé qu’on ne connaît plus de nos jours.
Leur salaire (vêtements – nourriture) variait selon la bourse du bénéficiaire.
Si le pacte n’était pas respecté, ils se vengeaient abominablement ce qui rendait les gens bien pensants à leur égard.
Etaient-ils chrétiens ? Personne ne peut le dire mais pour faire le bien et sauver les malheureux, cette étiquette n’est pas toujours requise, vous allez le constater.
Revenons à notre fermier… une lueur étrange sur la réponse de Marie, lui traverse l’esprit.
« Bon Dieu de bon sang… si ces sottais pouvaient m’aider… »
Et tout en espérant, il entreprit auprès de Marie une requête en démarche auprès de ses nocturnes visiteurs stipulant qu’ils auraient tout à gagner de sa reconnaissance.
Le soir venu, Marie laissa un message et bientôt un rendez-vous fut organisé pour discuter des modalités du marché. Le lendemain soir on se retrouvait à l’entrée de la grotte.
* * *
Qu’en advint-il ? Nul ne l’a jamais su.
La grand-mère de mon ami, qui m’avait raconté cette histoire, n’habitait plus HAYEN depuis son jeune âge. Elle avait cependant bien pris soin d’ajouter :
« On ne revit jamais le fermier et plus jamais non plus les sottais… »
« Des mauvaises langues ont dit que le diable, malin, avait emporté dans le même sac fermier et sottais… »
« D’autres ont prétendu que le fermier avait voulu abuser des sottais et qu’un cruel carnage s’était engagé… »
« Certains, enfin, supposent que les nains ont pris peur… et se sont sauvés bien loin emmenant avec eux le fermier condamné. On dit même qu’ils sont retournés en Norvège, au Spitsberg. »
On s’empressa d’installer un christ à l’entrée de la ferme, on multiplia les neuvaines à HAYEN et de fait, on ne revit plus le diable…
Il ne s’était manifesté que le lendemain de la disparition du fermier… la fermière éplorée se retrouva dans la situation première, 25 ans plus tôt…
Une route fut créée qui voûta le trou du Renard mais sa partie inférieure est toujours accessible et l’eau du ri dè Roty y pénètre toujours.
Parfois lorsque l’orage gronde, et que l’eau dévale les pierres, on entend, des profondeurs caverneuses, comme un écho, le son répété d’une double syllabe.
« Så – vé – Så – vé – Så – vé … »
Serait-ce la réponse à l’énigme posée ?
Jugez-en vous-même.